“Le Feldenkrais m’a apporté beaucoup de soulagement dans mon corps et m’a aidé à me sentir mieux et à voir les choses d’une autre façon.“ Noureen, 12 ans et demi atteinte de diplégie spastique.
J’interviens depuis quelques années auprès de personnes en situation de handicap moteur, adultes et enfants. J’ai rencontré Noureen lorsqu’elle avait 8 ans. Nous avons commencé par des séances individuelles de Feldenkrais ayant pour objectif de l’aider à acquérir plus d’autonomie de déplacement.
Noureen a les ischio-jambiers très contractés, ses jambes sont pliées en permanence, lui laissant une possibilité tout de même de se déplacer de temps en temps et sur de courtes distances avec des cannes ou un déambulateur. Sur de longues distances elle se déplace en fauteuil électrique. Avec la fatigue et à la maison, elle se déplace au sol.
Rapidement j’ai identifié que le plus gros de l’accompagnement consistait avant tout à créer les conditions qui lui permettraient de se réapproprier son corps. J’ai demandé à casser le rythme de nos séances hebdomadaires pour créer une nouvelle dynamique. J’ai transposé les principes de la méthode Feldenkrais dans des jeux de ballons, de foulard, de coussins, de dessin, de peinture, d’improvisations dansées avec costumes, de séances à la piscine, dans des parcs de jeux, à l’école avec une copine… Nous avons créé des clips dansés que nous avons présentés à la famille, à son AVS, aux enseignants… Noureen, qui jusqu’à présent avait toujours refusé de participer aux spectacles d’école a présenté un solo qui a remué les foules, ému petits et grands. Elle m’a dit ensuite avoir senti la joie d’être arrivée à se dépasser. Petit à petit ce n’est plus seulement moi qui insufflait nos jeux. Nous avons appris à créer ensemble, à nous passer le relais de nos envies et idées.
Du haut de ses 8 ans Noureen m’a appris à ne rien vouloir pour elle. Ni qu’elle marche plus facilement, ni qu’elle soit soulagée d’une douleur au dos, aux épaules ou aux jambes, ni qu’elle aille mieux, rien. Dès que je voulais arriver à un objectif, elle me faisait comprendre par son langage non-verbal que je faisais fausse route pour elle. A chaque fois je me disais que je ne voudrais rien, et à chaque fois je retombais dans mon propre piège. Et pourtant je sais bien qu’elle est la seule à savoir ce dont elle a besoin… Qui peut évaluer vraiment les efforts constants qu’elle doit fournir pour bouger, se concentrer, trouver sa place avec son handicap ?
Petit à petit j’ai trouvé le chemin de l’accompagnement qui consiste simplement (mais ce n’est pas facile du tout) à accueillir ce qui est au moment présent. Parfois les séances se déroulent pratiquement en silence, uniquement avec le langage corporel, parfois elles sont très dynamiques, parfois nous parlons beaucoup, parfois nous trouvons de nouvelles façons pour elle de reposer son corps. Ce n’était pas évident parce que j’avais parfois l’impression de ne rien faire, et dans mon cas c’était culpabilisant jusqu’à ce que je change ma manière de regarder. Nous sommes tellement conditionnés pour atteindre des résultats rapides, tangibles, explicables.
En grandissant Noureen participe maintenant aussi à mes stages de Feldenkrais avec des adultes. Je demande parfois aux participants de faire un travail d’observation à plusieurs. Les hommes et les femmes qui l’ont côtoyée sont admiratifs de sa capacité d’observation et de ressenti.
J’accompagne depuis une autre jeune fille de 11 ans atteinte d’IMC. Elle ne parle pas, ne peut ni lire ni écrire. Elle se déplace au sol en rampant sur un côté. Parfois elle s’accroche aux membres de sa famille ou aux meubles pour se mettre debout. Ces appuis n’étant pas assez solides, elle ne peut tenir très longtemps. Sa mère a fait appel à moi parce qu’elle sent que sa fille pourrait trouver de meilleurs appuis et se déplacer plus facilement. Après la première séance elle s’est mise à crapahuter dans tout le logement beaucoup plus qu’avant, à attraper tous les objets, à se mettre plus souvent debout. J’ai été surprise et heureuse de l’entendre car je n’avais rien travaillé dans ce sens. Nous avions passé un peu plus d’une heure à créer un langage non-verbal commun. Il semblerait que cela lui ait permis de trouver une plus grande énergie pour explorer.
A chaque rencontre je suis admirative de la force de vie de ces enfants et aussi de l’intelligence de vie de leurs mères (je rencontre moins les pères). Ces femmes sont admirables d’intuition, de courage, de force et d’amour pour leurs filles qui cherchent leur indépendance dans leur dépendance physique.
“J’ai découvert le Feldenkrais suite à ma recherche pour trouver une autre approche corporelle pour ma fille handicapée moteur qui commençait à arriver à saturation de ses séances de kinésithérapie trop répétitive et trop rigide. Ma fille a tout de suite accroché à cette nouvelle manière de voir et d’appréhender son corps. La plus grande victoire est que, grâce à sa séance quotidienne de Feldenkrais, elle a pu découvrir une autre manière de concevoir son corps, qui n’était plus la prison physique dans laquelle l’enfermait le corps médical qui l’a suivit pendant plusieurs années. Bien que ne bénéficiant pas de séances moi-même, le fait que ma fille fasse ce travail m’a permis de voir certains besoins de ma fille : principalement, avoir un “soignant” qui la reconnaisse comme une personne capable et qui lui fait confiance, au-delà de ses difficultés. Depuis, ma priorité est de trouver d’autres soignants (médecin, kinésithérapie, psychologue…) qui ont ces mêmes qualités. Ses séances font à la fois partie de sa prise en charge globale mais interagissent également avec les autres rééducations mises en place en parallèle. Celles-ci font parties des séances de rééducation qui apportent beaucoup de bonheur et de joie à ma fille, et, certainement les seules séances qui lui apprennent que son corps, handicapé, est parfait tel qu’il est, au delà de ses difficultées.” Linda, maman de Noureen
Voir plus d’articles sur le sujet : Feldenkrais et handicap
Les adultes en situations de handicap témoignent :
« J’apprends à ne pas aller au-delà de ce que le corps accepte. Pour éviter d’être ankylosée, par exemple, je ne plie pas les jambes. Cependant, certains mouvements me permettent de me dépasser. Cette méthode fait voler en éclats les idées que j’ai sur moi-même. Depuis quelques temps, à la fin des cours, j’ai la sensation d’être en trois dimensions, de gagner en volume, d’occuper davantage de place dans l’espace, de développer mon acuité ». Armelle (Polyarthrite rhumatoïde)
« Les mouvements doux – voire les micro-mouvements – me permettent de prendre en charge l’ensemble de mon corps. A la fin du cours, je me sens plus grande, plus droite dans mon fauteuil, mieux positionnée sur mes appuis fessiers. L’énergie circule. Mes épaules, très sollicitées par le maniement du fauteuil, se relâchent et je grimpe plus aisément dans ma voiture. » Martine (personne en fauteuil roulant)
« Je souffre de la douleur dite du “membre fantôme”. Malgré la pose d’un neuro-stimulateur, mon cerveau continue à envoyer des petites décharges électriques dans la jambe inexistante. Si je ressens des douleurs, malgré la prise de comprimés codéinés, je garde l’esprit focalisé sur elles. Pourtant, pendant les séances, en me concentrant sur la respiration et les exercices, je ne le ressens plus, j’ai la sensation de baigner dans un cocon. » Marine
« Ce n’est pas compliqué, à la fin d’un cours de Feldenkrais, je ne suis plus le même homme. Je redécouvre mon corps, je me le réapproprie, j’en ai une perception nouvelle, et j’ai un peu moins de difficulté à parler. » Eric (IMC)
« J’ai découvert le Feldenkrais récemment. Peu attiré par cette discipline, c’est en traînant des pieds que j’y suis allé. C’est un tors de juger sans connaître et pire encore sans essayer. Pourtant, je me suis juré de ne jamais juger avant d’avoir essayé. Bref les premiers instants ont été très agréable car tout de suite on est mis en contact avec son corps, ses avantages et contraintes musculaires et/ou articulaires. Le corps nous parle sans cesse mais on l’écoute très peu jusqu’au jour où il crie de douleur. Du moins c’est l’interprétation que j’en fais aujourd’hui. Je suis non-voyant et donc sensible au touché et très tactile. A travers les séances du Feldenkrais, on réapprend à faire connaissance avec chaque partie de son corps en travaillant tour à tour sur une zone spécifique. Pour ma part, je fais une séance de deux heures par semaine qui passe à une allure folle. Quand j’en ressors, je suis très détendu, avec le poids de la fatigue en moins, plus dispo et avec plus d’énergie pour attaquer sur l’instant une tâche difficile. Si on est sensible à son environnement, qu’on écoute ce qui nous entoure, apprécions ce qui nous porte c’est déjà faire un pas vers la pratique du Feldenkrais. Car le premier mot qui vient à l’esprit c’est l’écoute de soi et de ce qui nous entoure. Un autre mot qui me vient souvent : plénitude. Se sentir léger à la fin du cours c’est maintenant un rendez-vous hebdomadaire. Un rendez-vous que j’aime honorer ! » Aziz (non-voyant)
Article(clic) écrit pour Prévention Santé
Laisser un commentaire